Analyse et approximation par éléments finis d'équations aux dérivées partielles 2023/2024 Cours scientifique ENSTA - ANN202 Martin Vohralík
Descriptif
Ce cours fait suite au premier cours sur les éléments finis, ANN201. Il a pour objectif de présenter
quelques principes importants avancés de l'approximation numérique des équations aux dérivées partielles
par la méthode des éléments finis.
Dans une première partie, on présentera l'analyse a priori « classique » de la méthode des éléments
finis dite « non conforme » pour l'équation de Poisson. Ici, les approximations numériques se trouvent
en dehors de l'espace fonctionnel de la formulation mathématique (faible) du problème. L'analyse est « classique
» car le degré de polynôme p est uniforme (le même partout dans le domaine du calcul) est fixé
(n'évolue pas si on veut accroître la précision) et le raffinement de maillage est uniforme (le pas de maillage h
est approximativement le même partout dans le domaine du calcul). Ceci permet une décroissance optimale d'erreur en fonction de h
entre la solution numérique approchée et la solution de l'équation aux dérivées partielles
si la solution d'EDP est suffisamment régulière et quand le degré de polynôme n'est pas trop élevé.
Une deuxième partie sera consacrée à l'analyse a posteriori et adaptivité de maillage. L'analyse a posteriori
permet un premier miracle : on peut estimer l'erreur entre la solution numérique (connue) et la solution de l'EDP
(inconnue) par un estimateur entièrement calculable. Pour y parvenir dans
le contexte des éléments finis non conformes, on introduira le concept important d'une « reconstruction conforme »,
ainsi que d'un « flux équlibré ». L'adaptivité de maillage consiste en consacrer d'avantage d'effort dans
les parties « problématiques » du domaine du calcul. Ceci permet un deuxième miracle : l'erreur entre
la solution numérique approchée et la solution inconnue d'EDP va décroitre de façon optimale en fonction du nombre
des degrés de liberté même si la solution n'est pas suffisamment régulière et pour tout degré (fixe) de polynôme.
Une troisième partie sera consacrée à l'approximation numérique de l'équation de Poisson par les éléments
finis conformes dites « hp », où on considère à la fois la diminution de la taille maximale de maillage
h et l'augmentation du degré polynomial p (p n'est plus fixé). Si d'abord h et p sont uniformes, l'analyse permet
obtenir une borne d'erreur optimale à la fois en fonction de h et de p. Puis, avec une variation locale du pas de maillage
et du degré de polynôme, on obtient un troisième miracle : l'erreur va décroitre de façon exponentielle
en fonction du nombre des degrés de liberté.
Dans une quatrième et dernière partie, deux exemples en dehors de problèmes stationnaires linéaires seront considérés :
l'équation elliptique non linéaire avec un opérateur de diffusion fortement monotone et continu Lipschitz et
l'équation de la chaleur (instationnaire parabolique linéaire). Analyse a priori « classique » pour les éléments finis confomes sera menée.
La mise en œuvre informatique fera le contenu d'un projet informatique sur ordinateur.
Objectifs
Etre capable :
de manipuler et analyser les méthodes des éléments finis avancées de type « non conforme », « adaptives » et « hp » ;
de maîtriser les grands principes des analyses a priori et a posteriori ;
d'appliquer la méthode des éléments finis à des problèmes non linéaires et instationnaires.
Format
7 blocs de 3h, vendredi matin
cours magistraux (CM), travaux dirigés en petites classes (TD), projet informatique sur ordinateur (TP)
26/01
02/02
09/02
16/02
01/03
08/03
22/03
salle
1312
1225
1225
1225
1225
1225
1315
09h00–10h30
CM
CM
CM
CM
CM
CM
09h00–11h00 Examen
10h45–12h15
TD1
TD1
TP
TP
TP
TP
11h15–12h15 Cours d'overture
Notation
examen écrit (60%), contrôle continu (40%)
Programme détaillé
L'analyse a priori classique de la méthode des éléments finis « non conforme »
domaine du calcul \(\Omega \subset \mathbb{R}^d\), \(d=1,2,3\)
problème de Dirichlet pour l'équation de Poisson (diffusion linéaire stationnaire): trouver \(u: \Omega \to \mathbb{R}\) telle que
\begin{alignat}{2}
- \Delta u & = f \qquad & & \text{ dans } \Omega, \\
u & = 0 & & \text{ sur } \partial \Omega
\end{alignat}
formulation faible: trouver \(u \in H^1_0(\Omega)\) telle que
\[
\int_\Omega \nabla u {\cdot} \nabla v = \int_\Omega f v \qquad \forall v \in H^1_0(\Omega)
\]
maillage \(\mathcal{T}_h\): partition de \(\Omega\) en simplices (intervalles/triangles/tétraèdres) de taille maximale \(h\)
degré de polynôme \(p \geq 1\)
espace d'approximation \(V_h\): polynômes par morceaux sur \(\mathcal{T}_h\) avec contrainte de continuité allégée
\(V_h\) non conforme, \(V_h \not \subset H^1_0(\Omega)\)
éléments finis non conformes: trouver \(u_h \in V_h\) telle que
\[
\int_\Omega \nabla u_h {\cdot} \nabla v_h = \int_\Omega f v_h \qquad \forall v_h \in V_h
\]
inégalité de Poincaré–Friedrichs discrète
existence et unicité de \(u_h\)
estimations d'erreur a priori dans la norme d'énergie de forme, si \(u\) possède la régularité \(H^{p+1}(\Omega)\),
\[
\|\nabla (u - u_h)\| \leq C h^p
\]
adéquation de la méthode: l'erreur tend vers zéro pour \(h \to 0\)
pour chaque \(p\) fixé, le taux de convergence est d'ordre \(p\)
cette façon de procéder « classique » utilise:
le degré de polynôme p uniforme (le même partout dans le domaine du calcul) et fixe (n'évolue pas pendant le rafinement)
raffinement de maillage est uniforme (le pas de maillage h est approximativement le même partout dans le domaine du calcul)
sous ces deux conditions, l'estimation ci-dessus est optimale en fonction de h (mais pas en fonction de p)
pour \(p = 1\), dimension deux d'espace (\(d=2\)), le domaine \(\Omega\) un carré d'unité et un maillage
uniforme par triangles, il y à peu près \(\text{DoF}=1/h^2\) degrés de liberté, si bien que, dans ce cas, si \(u\) possède la régularité \(H^2(\Omega)\),
\[
\|\nabla (u - u_h)\| \leq C \frac{1}{\text{DoF}^{1/2}}
\]
en général, pour un maillage uniforme, si \(u\) possède la régularité \(H^{p+1}(\Omega)\),
\[
\|\nabla (u - u_h)\| \leq C \frac{1}{\text{DoF}^{p/d}}
\]
le taux de convergence est donc algébrique en termes
de degrés de liberté mais seulement si \(u\) est suffisamment régulière (ce qui est plutôt rare dans la pratique)
cette façon de procéder et analyser classique est donc optimale seulement
quand la solution d'EDP est suffisamment régulière et quand le degré de polynôme n'est pas trop élevé
Reconstruction du potentiel en \(H^1_0(\Omega)\)
\(v_h \in V_h\): polynôme par morceaux sur \(\mathcal{T}_h\) avec contrainte de continuité allégée, \(v_h \not \in H^1_0(\Omega)\)
reconstruction \(s_h\) du potentiel conforme en \(H^1_0(\Omega)\) : polynôme par morceaux sur \(\mathcal{T}_h\) inclus dans \(H^1_0(\Omega)\)
\(s_h\) construit localement à partir de \(v_h\)
à une constante près, \(s_h\) est plus proche à \(v_h\) que toute fonction \(s\) de \(H^1_0(\Omega)\):
\[
\|\nabla (v_h - s_h)\| \leq C \|\nabla (v_h - s)\| \qquad \forall s \in H^1_0(\Omega)
\]
propriété magique: \(s_h\), de dimension finie, est aussi bien que toute \(s\) de dimension infinie
va être utilisé plus bas pour les estimations d'erreur a posteriori et adaptivité de maillage
Reconstruction du flux en \(\boldsymbol{H}(\mathrm{div}, \, \Omega)\)
solution éléments finis non conformes \(u_h \in V_h\) est tel que, typiquement, \(- \nabla u_h \not \in \boldsymbol{H}(\mathrm{div}, \, \Omega)\)
reconstruction \(\boldsymbol{\sigma}_h\) du flux conforme en \(\boldsymbol{H}(\mathrm{div}, \, \Omega)\) : polynôme par morceaux sur \(\mathcal{T}_h\) inclus dans \(\boldsymbol{H}(\mathrm{div}, \, \Omega)\)
\(\boldsymbol{\sigma}_h\) construit localement à partir de \(- \nabla u_h\)
à une constante près, \(\boldsymbol{\sigma}_h\) est plus proche à \(- \nabla u_h\) que la solution faible \(u \in H^1_0(\Omega)\) de l'EDP:
\[
\|\nabla u_h + \boldsymbol{\sigma}_h\| \leq C \|\nabla (u - u_h)\| \
\]
va être utilisé plus bas pour les estimations d'erreur a posteriori et adaptivité de maillage
Estimations d'erreur a posteriori
problème de Dirichlet pour l'équation de Poisson, solution faible \(u \in H^1_0(\Omega)\)
égalité de Prager–Synge: pour tout \(u_h \in H^1_0(\Omega)\), l'erreur dans la norme d'énergie est caractérisée par
\[
\|\nabla (u - u_h)\| = \min_{\boldsymbol{\sigma} \in \boldsymbol{H}(\mathrm{div}, \, \Omega), \, \nabla {\cdot} \boldsymbol{\sigma} = f} \|\nabla u_h + \boldsymbol{\sigma}\|
\]
égalité de Prager–Synge généralisée: pour tout \(u_h \in V_h\) avec contrainte de continuité allégée, \(u_h \not \in H^1_0(\Omega)\), l'erreur dans la norme d'énergie est caractérisée par
\[
\|\nabla (u - u_h)\|^2 = \min_{\boldsymbol{\sigma} \in \boldsymbol{H}(\mathrm{div}, \, \Omega), \, \nabla {\cdot} \boldsymbol{\sigma} = f} \|\nabla u_h + \boldsymbol{\sigma}\|^2
+ \min_{s \in H^1_0(\Omega)} \|\nabla (u_h - s)\|^2
\]
prennant la reconstruction du potentiel \(s_h\) pour \(s\) et la reconstruction du flux \(\boldsymbol{\sigma}_h\) pour \(\boldsymbol{\sigma}\), on a alors
on ne raffine pas \(\mathcal{T}_h\) partout mais seulement là où \(\eta_K(u_h)\) sont grands (on consacre l'effort seulement là où il faut)
maillages non uniformes: \(h\) ne donne plus trop de sens (certaines mailles peuvent jamais être raffinées)
la norme d'énergie décroit comme
\[
\|\nabla (u - u_h)\| \leq C \frac{1}{\text{DoF}^{p/d}}
\]
le taux de convergence est donc algébrique en termes de degrés de liberté toujours,
\(u \in H^1_0(\Omega)\) suffit, pas de nécessité de régularité suffisante
cette façon de procéder et analyser adaptive est donc optimale
indépendamment de la régularité de la solution \(u\) de l'EDP, pour tout degré de polynôme fixe
projet informatique sur ordinateur : la méthode des éléments finis « non conforme », estimations d'erreur a priori, reconstruction du potentiel,
reconstruction du flux, estimations d'erreur a posteriori, adaptivité de maillage
Approximation « \(hp\) »
problème de Dirichlet pour l'équation de Poisson, solution faible \(u \in H^1_0(\Omega)\)
maillage \(\mathcal{T}_h\) de \(\Omega\), degré de polynôme \(p \geq 1\)
espace d'approximation \(V_{hp}\): polynômes par morceaux de degré \(p\) sur \(\mathcal{T}_h\) continus, \(V_{hp} \subset H^1_0(\Omega)\)
simultanément: diminution de la taille maximale de maillage \(h\) et l'augmentation du degré polynomial \(p\)
estimations d'erreur a priori dans la norme d'énergie de forme, si \(u\) possède la régularité \(H^{p+1}(\Omega)\),
\[
\|\nabla (u - u_{hp})\| \leq C \Big(\frac{h}{p}\Big)^p
\]
c'est une estimation optimale en fonction de \(h\) et de \(p\)
en dimension deux d'espace, on peut en particulier:
employer le degré de polynôme p non uniforme (différent dans des différentes parties du domaine du calcul) et variable (évolutif pendant le rafinement)
raffinement de maillage non uniforme (ajusté aux besoins)
\(h\) et \(p\) déterminés par des estimateurs d'erreur a posteriori
cela donne
\[
\|\nabla (u - u_{hp})\| \leq C_1 \frac{1}{e^{C_2 \text{DoF}^{1/3}}}
\]
le taux de convergence est donc exponentiel en termes de degrés de liberté
L'équation elliptique non linéaire, théorème de point fixe de Banach
diffusion non linéaire stationnaire
\begin{alignat}{2}
- \nabla {\cdot} A(\nabla u) & = f \qquad & & \text{ dans } \Omega, \\
u & = 0 & & \text{ sur } \partial \Omega
\end{alignat}
opérateur \(A\) non linéaire, fortement monotone et continu Lipschitz
formulation faible: trouver \(u \in H^1_0(\Omega)\) telle que
\[
\int_\Omega A(\nabla u) {\cdot} \nabla v = \int_\Omega f v \qquad \forall v \in H^1_0(\Omega)
\]
existence et unicité de \(u\) par le théorème de point fixe de Banach
maillage \(\mathcal{T}_h\) de \(\Omega\), degré de polynôme \(p \geq 1\)
estimations d'erreur classiques a priori dans la norme d'énergie de forme, si \(u\) possède la régularité \(H^{p+1}(\Omega)\),
\[
\|\nabla (u - u_h)\| \leq C h^p,
\]
où la constante \(C\) dépend en plus de la non linéarité de \(A\)
le taux de convergence est donc similaire au problème linéaire
La méthode des éléments finis pour l'équation instationnaire parabolique de la chaleur
l'équation de la chaleur (diffusion linéaire instationnaire)
\begin{alignat}{2}
\partial_t u - \Delta u & = f \qquad & & \text{ dans } \Omega \times (0,T), \\
u & = 0 & & \text{ sur } \partial \Omega \times (0,T),\\
u (\cdot, 0) & = u_0 & & \text{ dans } \Omega
\end{alignat}
formulation faible: trouver \(u \in L^2(0,T;H^1_0(\Omega)) \cap H^1(0,T;H^{-1}(\Omega)) \) telle que \(u (\cdot, 0) = u_0\) et
\[
\int_0^T \langle \partial_t u, v \rangle + \int_0^T \int_\Omega \nabla u {\cdot} \nabla v = \int_0^T \int_\Omega f v \qquad \forall v \in L^2(0,T;H^1_0(\Omega))
\]
existence et unicité de \(u\)
maillage \(\mathcal{T}_h\) de \(\Omega\) avec taille maximale \(h\), degré de polynôme \(p \geq 1\)
\(N\) intervals en temps \(I_n\) de longueur maximale \(\tau\), degré de polynôme \(q \geq 0\)
espace d'approximation \(V_{h\tau}\): polynômes par morceaux de degré \(p\) continus en espace, polynômes par morceaux de degré \(q\) discontinus en temps
\(V_{h\tau} \subset L^2(0,T;H^1_0(\Omega))\) mais \(V_{h\tau} \not \subset H^1(0,T;H^{-1}(\Omega))\)
éléments finis: trouver \(u_{h\tau} \in V_{h\tau}\) telle que \(u_{h\tau} (\cdot, 0) = u_0\) et
\[
\int_{I_n} \int_\Omega \partial_t I u_{h\tau} v_{h\tau} + \int_{I_n} \int_\Omega \nabla u_{h\tau} {\cdot}
\nabla v_{h\tau} = \int_{I_n} \int_\Omega f v_{h\tau} \qquad \forall v_{h\tau} \in V_{h\tau}|_{I_n}, \quad \forall 1 \leq n \leq N
\]
estimations d'erreur a priori classiques dans la norme d'énergie de forme, si \(u\) possède la régularité suffisante,
\[
\Big(\int_{I_n} \|\nabla (u - u_{h\tau})\|^2 \Big)^{1/2} \leq C (h^p + \tau^{q+1})
\]
le taux de convergence est donc combiné de \(p\) et \(q+1\)