A la recherche du chateau des Alluets-le-Roi


L'existence du Château des Alluets

Le texte le plus connu en ce qui concerne les Alluets-le-Roi est la charte de Louis VII dit Le-Jeune, écrite en 1174, qui confirme les habitants des Alluets dans des privilèges sans doute plus anciens:

"Au nom de la Sainte et Indivisible Trinité - Amen. Louis, par la grâce de Dieu, roi des Français (Ludovicus, Dei Gracia Francorum Rex) faisons savoir à tous, présents et à venir que, pour des motifs de charité, Nous, et Gazon de Poissy, qui tient de nous comme partie de son fief, la moitié de la villa dite: ad Molerias de Allodiis (aux Meulières des Alleuds), et la garde de la forteresse du dit lieu, avons concédé .... ,[1,2]"

Cette forteresse pourrait même avoir été plus ancienne (IXe siècle) et faire partie d'une ligne de forteresses établies contre les envahisseurs normands, comme les châteaux forts de Poncy, Béthemont, Montjoie, Joyencal, Retz à Chambourcy ou les châteaux d'Orgeval et de Tressancourt[3] .

Cette forteresse (simple tour ou château fort?) fut probablement détruite pendant la guerre de cent ans qui fit rage aux Alluets, à tel point qu'entre 1414 et 1448, il n'y avait plus un seul habitant dans le village, car il était impossible d'y demeurer en raison des combats[4].
On constate une pénurie de documents concernant les Alluets de 1372 à 1453 dans les archives des Dominicaines de Poissy et de l'Abbaye d'Abbecourt. En particulier Abbecourt n'a pas perçu de cens, c'est à dire de redevances, de 1418 à 1448.

A quelle époque le château fut-il construit ou reconstruit? il existe en 1446, puisqu'il est question, à cette date, d'une redevance de 2 sous sur le Château des Alluets.Entre 1710 et 1734, les Logivières (Seigneurs de Maule) possédaient le château des Alluets et les terres en dépendant."Le château et l'enclos occupaient une superficie de 2 arpents 50 perches (1,2767ha) et le restant en terres labourables, pâtures ou bois taillés, environ 39 arpents (19,9181ha).
En 1734, le château des Alluets était "en masure", l'enclos dans lequel il se trouvait était fermé de murs et d'une contenance de 2 arpents 1/2. Les fermages étaient à Pierre Bourgeois et Elisabeth Dantu sa femme.

Le 2 février 1794, le château n'existe plus, mais le domaine est décrit comme [5]:
"une terre clos de viels murs et haye, appelé l'ancien château, contenant 2 arpents et demy environ (soit environ 1ha2767) compris les chemins et mare assise au bord du village, tenant, d'un coté et d'un bout, les rue de lasdite commune (Les Alluets), d'un coté Jean Baptiste Lucas et autres, et d'autre bout, les héritiers de François Lefèvre et autres."

Cette description (lot 1411) est celle qui fut faite en vue de la vente, comme biens nationaux, des biens du Comte de Boisse, Seigneur de Maule, qui en avait hérité d'une demoiselle de Logivière . Cette vente eut lieu le 29 Brumaire An 3 (1794), lors d'une vente à la bougie. La mise à prix était de 2500 livres, suivant l'estimation faite par l'expert et portée sur l'affiche annonçant la vente. Le sixième feu "s'est éteint sans enchère; au moyen de quoi, l'adjudication a été prononcée au profit du citoyen Henry Louis Odiot, moyennant 4000 livres prix principal outre les charges; laquelle adjudication il a acceptée, a élu domicile en sa demeure à la montagne du Bon-Air, a signé, se réservant la faculté de faire déclaration au profit de qui lui semblera."
Henry Louis Odiot était homme de loi à Saint-Germain, et c'est probablement lui qui, en avril 1791, avait procédé à la vente du mobilier de l'abbaye de Joyencal[6].

L'amnistie du 25 fructidor An 10 (1802) permit "la levée de séquestre existant sur les biens propres et personnels du citoyen Deboisse, et particulièrement sur ceux situés sur la commune des Alluets et de Maule, dans la possession et jouissance desquels il sera réintégré, à l'exception des propriétés réservées par l'article 17 du Sénateur Consul du six Floreal dernier"[7].
En fait cette exception couvraient les biens qui avaient été vendus, de sorte que le Comte de Boisse ne rentra en possession d'aucun de ses biens situés aux Alluets. Ses héritiers touchèrent une indemnité en 1825, conformément au bordereau d'indemnité, "dressé en exécution de la loi du 27 avril 1825 et de l'ordonnance du 1er mai suivant, en faveur de Monsieur le Vicomte de Boisse (René)" pour indemniser les "aliénations, faites par l'état, de biens-fonds dans la possession desquels l'ancien propriétaire n'est pas rentré"[8].

L'emplacement du château

Dans son Mémoire sur les Alluets en 1821 [9], le baron Coquebert-Montbret ne précise pas l'emplacement du château qui semble avoir été perdu depuis cette date. Pour le retrouver nous sommes partis de la description de 1794, avant de savoir qu'il avait été vendu comme bien national.

Tout d'abord si nous regardons le plan général des Alluets du terrier de 1827 [10], il saute aux yeux que le village est composé de deux parties très différentes: une partie de plan circulaire, de type moyenâgeux, et une partie au quadrillage régulier. Une hypothèse raisonnable est que le château se trouvait dans la partie moyenâgeuse (Plan 2.)

D'après le terrier de 1827, seulement 35 ans après la description de 1794, les parcelles numéros 1232 à 1237, soit plus du tiers de la zone considérée, appartiennent aux héritiers Lucas, tandis que la parcelle 1257 appartient à Mr. Odiot de Saint Germain (terrier).
Cette parcelle fait 1ha3085 et contient une mare, est bordée sur deux cotés par les rues du village (actuelles rues de Maule et du Moulin) et touche à l'ouest un terrain appartenant aux héritiers Lucas. Elle correspond donc exactement à la description donnée.
Nous avons donc retrouvé l'emplacement du château des Alluets!
En 1997, ce terrain est toujours entouré de vieux mur, la mare a été asséchée (mais l'emplacement est visible le long de la rue de Maule) et le propriétaire le cultive encore, car le terrain a été peu construit.
On peut remarquer que Monsieur Odiot n'a pas utilisé sa réserve faite lors de l'achat du terrain "de faire déclaration au profit de qui lui semblera", puisqu'il possède le terrain encore 30 ans plus tard. Etait-ce un réflexe de notaire ou espérait-il y trouver un trésor ?

Rappelons qu'il s'agit du château du XV siècle, en ruine au milieu du XVIII, et non pas de la forteresse du XIIième siècle dont nous ne savons toujours rien.

La forteresse

Nous pouvons faire trois hypothèses:

- cette forteresse serait une simple tour (cf. celle de Béthemont) située à l'extérieur du village. Une tradition orale la situerait entre la route royale et la rue de Maule, lieu dit "Le Gros chêne", ou celui de "la butte Allain", du côté du bosquet d'arbustes qui se trouve au milieu. Après tout, c'est là le point culminant du plateau des Alluets (186m).

- Elle se trouverait au centre du village, qui se serait développé autour, comme l'affirme Eugène Dubois qui, en 1925, a eut "l'heureuse occasion, chez des personnes notables du pays, de visiter une cave large et fort profonde dans laquelle les ogives soutenues par un pilier,..., des chapiteaux rongés ne laissent aucun doute sur leur lointaine origine". Pour lui, pas de doute, il était "au milieu des fondations du château fort"[11]. Dans ce cas on peut imaginer plutôt un château fort, semblable à celui qui existait à Maule. Comme à Maule, le château plus récent se serait développé un peu à l'écart, dans une ancienne manse romaine, c'est à dire un terrain séparé en 2 parties, l'une étant une ferme dépendant du château, l'autre partie étant composée de terrains donnés en location moyennant redevance. Nous avons visité cette cave, rue de Crespières, en 1995, en compagnie de Monsieur Trebois, président de l'ACIM. Si les ogives et le pilier sont toujours là, ils ne datent malheureusement pas du XIIe siècle. On peut aussi rappeler qu'avant la guerre de cent ans le village s'étendait plus au nord, dans la direction de Bazemont, c'est à dire au delà de ce qui s'appelle encore aujourd'hui "la vieille rue".

- la troisième hypothèse serait que le château primitif se trouverait sur le même emplacement, ou un emplacement très voisin du château plus récent, comme cela était très souvent pratiqué.

Qui sait si des fouilles, un jour, livreront le secret du vieux chateau. 

@Copyright- Anne-Marie Vercoustre
Recherches faites en 1993, acticle publié dans:

Bulletin municipal des Alluets-le-Roi, No.30, Décembre 1997 et
"A la recherche de l'ancien château des Alluets-le-Roi", Anne-Marie Vercoustre, revue de l'ACIME No. 30 (2000).

References

1. Archives Nationales - Registre 135, pièce 284, cité dans 2, 4, 10 en français ou en latin.
2. Revue de l'ACIM, No. 18 et 19, Maule, 1990.
3. Histoire d'Orgeval, H. Griset, imprimé à Versailles,1951
4. Les Alluets-le-Roi, Bertraudy-Lacabanne, Essais et notices, p. 16, Versailles, Cerf et fils, 1880.
5. Archives Départementales des Yvelines, Série 1Q-136, ventes 1411-1425
6. Chambourcy, son passé, Pierre-Emile Renart, ed. Histoire de Chambourcy, de Retz et d'Aigremont,1980.
7. Archives départementales des Yvelines, Série Q, 1 Q 204.
8. Archives départementales des Yvelines, Série Q, 4 Q 53.
9. Mémoire sur les Alluets-le-Roi, Baron de Coquebert-Montbret, Société des Antiquaires, tome 3, 1821.
10. Une copie de ce terrier en couleur, ancêtre du plan cadastral, se trouve à la mairie. L'original est aux Archives Départementales.
11. Un village libre, Dubois Eugène, Société historique de Raincy, Bulletin No.11, Décembre 1944, P.8 à 14. 
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